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Ne soyez pas un Google Expert (de la Collection) !

Le savoir, c'est important.

En ce moment, dans le petit cercle de la Collection en général et celui de la Numismatique en particulier, nous rencontrons un phénomène néfaste et grandissant : celui que nous appelerons "GooGle Expert" ou "Expert Google". C'est ce sujet que va développer le premier article CNumis de septembre...

Il s'agit d'un premier article d'une série de trois sur ce sujet...

Petite précision !

Tout d'abord, une définition du phénomène (oui, nous pouvons réellement parler de phénomène(s) et placer ce mot au pluriel). Le terme "Google Expert" existe bien mais concerne les technologies de l'information et nous n'allons évidemment pas nous attarder sur ce sujet mais sur celui du Google expert de la Collection qui est bien plus préoccupant.

Alors, qui est-il ce "Google Expert" ?

Définissons ensemble cette personne. Tantôt vile, tantôt de bonne foi, parfois de très mauvaise foi, le Google Expert est cette personne qui, ayant trouvé ce qui lui parait être un objet atypique selon ses critères totalement arbitraires, va attribuer à cet objet une valeur dont le montant se compose d'un maximum de chiffres et en totale décohérence avec la réalité.

Alors pourquoi "Google Expert" ? Parce que quand on lui demande d'où il sort ses informations, internet et google sont cités le plus souvent. Parfois, il peut s'agir d'un ami bienveillant qui lui a dit que son objet valait 1500 dollars, qui entretemps se sont transformés en 31500 dollars parce que, pourquoi pas.

Alors, de bonne foi ou de mauvaise foi ? Il faut bien différencier les deux types de Google Expert : celui de bonne foi, qui aura simplement observé une information et l'aura mal interprété - au pire - quand celle-ci n'est tout simplement pas trompeuse ; et celui de mauvaise foi qui sait ce que vaut son objet et persistera dans sa croyance, accusant au passage tout contradicteur des maux (ou mots) les plus élogieux.

Le "Google Expert" de bonne foi - ou l'art des médias de sortir des dingueries

Il s'agit du phénomène le plus ancien. La personne sincère trouve une information totalement trompeuse et se fie à son contenu. Généralement, une explication précise et empathique de la part d'un vrai connaisseur détruira la croyance. Les médias de masse ont été responsables involontaires de répandre des informations totalement erronées et pour lesquelles de nombreuses personnes sont encore induites en erreur.

Un des cas les plus connus, en France :
La 2 euro Grèce 2002 frappée en Finlande (lettre S Suomi dans l'étoile). Il y a quelques années, un article sur BFMTV désignait cette monnaie comme ayant une valeur de 40 000 euros. Une information totalement trompeuse, puisque cette monnaie est très commune et n'a qu'une valeur de 2 euro lorsqu'elle se trouve en circulation et du double si elle est neuve. Nous sommes très loin des 40 000 euros ! Mais puisque cette monnaie est très commune, 70 000 000 d'exemplaires ayant été produits, de nombreuses personnes l'ont trouvé et se sont imaginées détentrices d'une monnaie à forte valeur. Quelle désillusion...

2 euro Grèce 2002 S

Mais depuis, des dizaines d'articles apparaissent chaque jour avec des titres plus racolleurs les uns que les autres : "la richesse se trouve peut-être dans votre porte-monnaie", "si vous avez cette pièce, alors vous êtes riche". Découvrez donc vite cet article et partez à la recherche, au mieux d'une pièce introuvable car non émise pour la circulation, au pire qui n'a aucune valeur. Certains articles sont bien écrits, avec de beaux détails parfois vrai (ils détaillent une vraie monnaie) mais avec un final totalement trompeur.

Puis, si cela ne suffisait pas, voila le plus récent et le plus dangereux des phénomènes : les annonces de vente FRAUDULEUSES. Que ce soit Leboncoin en France, Kijiji au Canada, Ebay un peu partout, ou toute autre plate-forme, vous trouverez des annonces avec des monnaies à prix abusifs. Plus récent encore, des faux achats réalisés à des prix incohérents.

Maintenant, vous êtes un curieux, ou dans le besoin, ou simplement vous vous intéressez aux trois monnaies retrouvées dans ce tiroir, et vous rencontrez toutes sortes d'informations - des vraies, qui donnent une valeur insignifiante à vos monnaies - et celles qui lui donnent deux fois le prix de votre logement. Naturellement, vers quelle information vous vous rendez ?

Il est tout naturel d'espérer posséder quelque chose de rare et de demander conseil aux gens. Et en tant que professionnel numismate, je peux parler de mon expérience face à cette personne :

Tout d'abord, il y aura la personne de bonne foi, qui veut vraiment connaître la valeur de ses objets et demandera un conseil. Expliquer ce phénomène suffit en général. Pour les plus téméraire, proposer la même monnaie que la leur à prix modique suffit à casser le mythe. Nous nous séparons en bons termes et tout se passe au mieux.

Puis la seconde personne, elle sait tout, elle a tout vu, son objet vaut 31000 dollars. Il veut que je lui dise que son objet vaut 15 milliards, et je ne lui dirai pas. Les explications de bases ne suffisant pas, il demande un second avis. Je lui demande alors, décemment, le vrai prix qu'il espère pour son objet, il répond : entre 0 et 5000 (chouette on a déjà économisé 26000 dollars, la journée est sauvée !). Au fond il a raison, sa monnaie ne vaut que 3 dollars, sa valeur de change, on est dans la fourchette, pas du coté espéré toutefois... Alors, agacé, il exige : je veux un autre avis. Je vais chercher un livre de cote, un vrai, qui fait autorité, et bien gentil, lui montre la cote de sa monnaie. Aie, me dis-je, il y a 4 colonnes, chacune correspondant aux états, mais la cote la plus élevée est 6 dollars, bon, courage, on va éviter la définition d'un grade ! Encore agacé, la personne répond alors : ce livre date de 2022, les valeurs sont dépassées ! Puis il repart, énervé, avec sa pièce à presque 31000 dollars en poche, enfin son 2 pounds 2002 du Royaume-Uni. Un joyeux moment à passer, réellement.

Et des gens comme ces personnes, entre les appels et les visites, sont plus de vingt chaque semaines. Tout autant de personnes trompées par "Google" qui se sont fait leurs propres expertises. Pour la majorité heureusement de bonne foi, qui comprennent l'erreur et seront plus vigilantes à l'avenir.

Alors, quel remède ?

Demander aux fraudeurs de ne plus frauder ou aux médias de ne plus raconter n'importe quoi est impossible. Tout ce que nous pouvons faire, experts, connaisseurs, collectionneurs, c'est expliquer à ceux qui en doutent la réalité de la situation. Dans les prochains mois ou les prochaines années, il est fort probable que la vigilance sur ce phénomène se place et que ces attaques sur la réalité s'effondrent.

À suivre...

Dans le second article sur le sujet, appuyés par des exemples des deux cotés de l'Atlantique, nous verrons ce qui motivent les fraudeurs et certaines médias pour alimenter des fausses informations.