Une nouvelle version du site est en cours de conception et sera disponible au 1er janvier 2025 ! Elle apportera de nouvelles options dans le gestionnaire et une expérience plus fluide dans la navigation du catalogue !

Estimer une monnaie (Partie 3) : Le marché Numismatique aux États-Unis

Ce septième article conclue la série de trois au sujet de l'estimation. Cette fois-ci, nous allons aborder le sujet du marché numismatique hors de France et plus précisément aux États-Unis...

J'ai eu l'habitude de travailler avec ces marchés là et put noter des observations intéressantes les concernant. L'étude de ces marchés sera concis, des articles plus détaillés seront sans doute nécessaire à l'avenir pour bien les décrire !

Et c'est parti ;)

Le marché aux États-Unis

Préambule:
Comme pour le marché Français, nous allons d'abord parler de l'offre, mais pour cela, nous devons revenir sur certaines bases historiques...
Les États-Unis sont un pays récent, avec une monnaie récente. Les premières pièces fédérales datent de 1793 et à cette époque, le pays n'était peuplé que de quelques milliers de personnes. De plus, la plupart des monnaies qui circulaient alors étaient des monnaies étrangères, comme les 8 réaux du Mexique. Il faudra véritablement attendre les années 1850 et l'expansion confirmée vers l'Ouest pour que les monnaies fédérales soient véritablement acceptées par tout le monde.
Le pays connaît alors une croissance exponentielle et compte plusieurs dizaines de millions d'habitants au début des années 1870. L'immigration provenant de Chine et des pays Européens pour l'essentiel booste encore le nombre d'habitants et transforme durablement le pays en grande puissance.
À partir du début du XXième siècle, les États-Unis deviennent première puissance mondiale et, en tant que pays capitaliste et appréciant le "cash", les quantités de frappes de monnaies dans tous les métaux atteignent des sommets...

L'offre :
Pour résumer le préambule ci-dessus :
- Pendant les cinq décennies qui suivent sa fondation, le pays est peu peuplé et les monnaies produites ne circulent pas partout. D'une manière générale, l'offre est donc limitée à des tirages plutôt faibles, voire très faibles. Cependant, il faut bien prendre en compte que les collections de monnaies ont débuté dés les années 1820 et que les monnaies fédérales n'ont jamais été démonétisé ou retiré ; et donc, beaucoup de monnaies d'époque sont parvenues jusqu'à nos jours...
- Entre 1830 et 1865 environ, la frappe s'améliore, grâce notamment à l'importation de machines françaises. De nouveaux ateliers sont créés à la suite des gisements aurifères découverts d'abord en Caroline du Nord et en Géorgie (ateliers ouverts en 1838, de Charlotte et Dahlonega), pour irriguer le sud très riche (Atelier de la Nouvelle Orléans, 1838), à nouveau pour convertir l'or extrait pendant la ruée vers l'or (San Francisco en 1854) puis l'argent découvert dans le Nevada (Carson City en 1870). Pour cette époque, la plupart des productions de Philadelphie (sans marque d'atelier) sont communes et respectent un peu les standards de l'époque précédente mais avec de plus gros tirages : on a donc beaucoup de monnaies survivantes et des tirages qui vont croissants. En revanche les monnaies frappés dans les autres ateliers ont parfois circulé de manière erratiques et certains tirages sont sans commune mesure avec leur vraie rareté. Ce n'est pas une généralité, mais c'est parfois le cas. Nous allons en reparler un peu plus tard.
- Entre 1865 et 1965, pendant le siècle qui suit la guerre civile américaine, pendant les deux guerres mondiales, les quantités vont grandissantes, pour tous les ateliers. Les offres sont importantes pour la plupart des millésimes. Il existe cependant des raretés limitées à quelques millésimes clés.


Exemple de monnaie typique avec un tirage moyen et pourtant très commune : Quarter de 1836 ! Attention, rare dans les états supérieurs !

La demande et le marché :
Le marché américain est ample et bâti sur des décennies de travaux d'éminents numismates. Les premiers salons liés à la Numismatique remontent aux années 1850... Le PNG (Professional National Grading) estime à environ 140 millions le nombre de personnes qui collectionnent les monnaies aux États-Unis. Une personne sur trois, tous âges confondus... C'est considérable !
Cette demande considérable est très inégalement réparties sur certaines monnaies, selon différents critères... que voici :

1. Par valeur faciale :
Tout d'abord, pour analyser la demande, il est important de préciser que les valeurs faciales ne sont pas toutes portées au même niveau pour la demande. Les pièces de 1$, de séduisants gros modules en argent, sont de loin (voire de très loin) les plus recherchés. Viennent ensuite les demi-dollars (0,50$), les Cents (0,01$), les quarts de dollar (0,25$). Les dimes (0,10$) et surtout les nickels (0,05$) sont clairement boudées et à rareté équivalente, une 1$ Morgan vaudra plusieurs centaines de fois une nickel. Quant aux valeurs provisoires, différentes (0,005$, 0,02$, 0,03$ et 0,20$), elles sont relativement bien demandé...

2. Par époque :
De même, l'époque est importante. Les pièces d'avant 1800 en Fédérale sont de très loin les plus demandé aussi et certaines atteignent des prix irréalisables dans d'autres pays, dans tous les états de conservation. Les monnaies pré-fédérales (pennies et autres shilling coloniaux) sont aussi amplement recherchées. Pour les plus récentes, tout dépend de la monnaie et du module ; le 1$ Morgan est incontestablement la pièce la plus collectionnée du Monde avec plus de 100 millions de collectionneurs intéressés !

3. Par ateliers :
Enfin, il y a des intérêts particuliers selon les ateliers. Carson City avec son histoire rappelant la Grande Époque du Far-West américain est l'un des plus populaire. À rareté équivalente une monnaie avec le double C vaudra nettement plus qu'une monnaie frappée à Philadelphie (entre trois et vingt fois...). Les ateliers d'or de Charlotte (Lettre C) et Dahlonega (Lettre D, avant 1861 inclus), sont aussi extrêmement recherchés. La Nouvelle Orléans de 1838 à sa fermeture provisoire en 1861 connaît en ce moment un regain d'intérêt.

Tous ces intérêts particuliers attribuent aux monnaies, parfois communes, des valeurs sans commune mesure avec celles que nous connaissons en France. Par exemple, une pièce de 1$ Morgan de Carson City (qui cumulent donc deux intérêts, le double C d'atelier et la valeur faciale séduisante), même existant encore à près d'un million d'exemplaires en splendide et au-delà, vaudra entre 200 et 300 euro dans cet état. Certaines pièces françaises connues à moins de 5 exemplaires en France, pour la période Louis Philippe, n'atteignent pas de tels prix en TTB !

Les hauts grades sont fortement demandés pour toutes les époques. Certains sont véritablement très rares, car la monnaie a fortement circulé, d'autres sont très commun. Dans le même goût, la patine peut avoir un impact significatif sur le prix : si la pièce présent un bon "eye-appeal" (une bonne apparence), sa valeur peut être multipliée par quelques unités...
Concernant les monnaies d'or, c'est un peu particulier. Elles sont surtout prisées des investisseurs et il demeure une rupture liée au retrait de ces pièces en 1933 par le Président Roosevelt. Beaucoup pensent qu'un retour d'une telle loi est possible et que ces pièces peuvent être à nouveau réquisitionnées par le gouvernement. Si elles demeurent largement recherchées par les investisseurs, pour les années communes, à des prix à peine supérieurs à celui du métal contenu, seules les monnaies demandées qui cumulent un ou plusieurs intérêts (ateliers C, D, O...) ou raretés, sont vraiment bien cotées. L'engouement est modéré concernant les monnaies d'excellente qualité... beaucoup n'ayant jamais circulé. La double eagle garde cependant un fort atrait.
Pour finir, les américains adorent les défauts de frappes, en particulier les doubled-die (double frappe). Même de défaut minime, si la variante est connue et énumérée dans les ouvrages de références, la valeur peut exploser !

La vie Numismatique aux États-Unis :
Puisque le nombre de collectionneurs est considérable outre-Atlantique, le nombre de professionnels, d'associations et de rencontres (coin show ou coin fairs) l'est tout autant.

Vous pouvez trouver dans une ville de 20 000 habitants jusqu'à quinze boutiques proposant des monnaies, et parmi lesquelles deux ou trois numismates exclusifs. Tout village de plusieurs dizaines ou centaines d'habitants peut avoir un marchand de monnaie avec sa propre boutique. Lui fera certainement d'autres collections en plus de la monnaie ; Comics et cartes sportives sont aussi très prisées. En outre, nous pouvons aussi trouver de véritables supermarchés de la Numismatique, employant plusieurs dizaines de personnes. J'en connaîs personnellement au moins cinq dans les États du Nord Est...
La quasi-totalité, surtout dans les petites villes, sont exclusivement connaisseurs de monnaies américaines, mais ils disposent très souvent de monnaies étrangères. L'ouvrage de référence pour ces dernières est le Krause World Coins. Inutile de préciser à quel point certains chopins peuvent être faits ! Par exemple, des pièces de 100 francs Bazor en or au poids + 20%... En revanche, dans les grandes villes, la plupart des numismates exclusifs connaissent bien les monnaies étrangères, dont françaises. Ils disposent de réseaux internationaux conséquents.

Quant aux rencontres numismatiques, elles prennent différentes formes, comme en France. Il y a la petite bourse d'échange locale, très ressemblante à celles que nous avons en France (bourses multicollection), la bourse régionale plus exclusivement numismatique et le "coin fair" qui rassemble les plus grands professionnels du milieu. Il s'en tient une vingtaine par an dans tout le pays, principalement dans les grands centres urbains. Celui de Baltimore est un des plus grands, avec des centaines de marchands et une surface équivalente à celle d'un hypermarché !


Le "Whitman Expo" à Baltimore est un des plus importants aux États-Unis...¸

La documentation :
La documentation est variée et va du livre général de référence (le Red Book) à des livres sur la Morgan Dollar par exemple. Cependant, le Red Book ne suffit généralement pas à estimer une monnaie. La plupart des professionnels utilisent les "Trends" ; il s'agit de journeaux dans lesquels sont listés les cotations de toutes les pièces recherchées et mis à jour une voire deux fois par mois. Cela en dit long sur les variations possibles du marché américain ! Généralement, ces "Trends" sont très bien représentatifs, puisqu'ils tiennent compte de tous les facteurs énumérés ci-dessus. Le prix affiché sur ces journeaux est le prix que réalisera la pièce, à 100% au moins. Nous sommes loin de certains ouvrages européens qui présentent une cote trois ou quatre fois supérieure (en étant gentil) à sa vraie valeur !


Le "Red Book" est LE livre de référence pour les monnaies américaines. Vous pouvez le voir ici

Conclusion :
Le marché américain est le plus dense et le plus intéressant du Monde pour qui fait les monnaies modernes. Il n'existe pas d'antiques, pas de royales, uniquement du moderne ou du pré-moderne. Nous constatons encore bien là les excès américains habituels : rondelles plus qu'usée de cuivre à 300 000 USD, pièce de 20$ en or à 20 millions d'USD...
Je vais encore insister dessus mais s'il vous plaît, n'évaluez jamais une monnaie américaine sans connaître au moins ces premières notions. Comme pour les monnaies françaises, la plupart ne nécessiteront pas de connaissances avancées, comme les pièces d'après 1965, encore qu'il faille se méfier des variantes telles que les frappes doubles...
Vous voulez estimer des pièces US ? Munissez-vous des Trends, ceux des derniers mois et surtout le dernier, d'un Red Book, d'un Blue Book et commencez à observer les prix réalisés lors des dernières ventes. Sans ce travail, vos analyses seront très vraisemblablement mise en défaut...

Sources

Mes propres observations ;)
Le Coin des Monnaies : https://www.coindesmonnaies.com
Images : Heritage Auctions, Whitman Editions, CoinWeek.